Pouvez-vous, en quelques mots, nous présenter le Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV) et l’origine de ses ressources ?
Le Fonds de solidarité vieillesse est un établissement public à caractère administratif placé sous la double tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
Il a été mis en place en janvier 1994 dans l’objectif d’assurer le refinancement de 22 régimes de sécurité sociale d’assurance vieillesse, pour la partie de leurs dépenses de retraites relevant de la solidarité nationale.
Une distinction a ainsi été opérée entre des dépenses non-contributives de solidarité qui doivent être financées, via le FSV, par des recettes de nature fiscale, et les autres dépenses de retraite, qui relèvent d’une logique assurancielle, et dont le financement doit être assuré au moyen des cotisations sociales.
Parmi les ressources de nature fiscale attribuées au FSV pour financer la solidarité vieillesse, la principale est la CSG. Le Fonds perçoit ainsi une fraction du produit de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement et une fraction du produit de la CSG sur les revenus du patrimoine, des placements et des jeux, pour un montant total en 2012 de 10,1 milliards d’€ soit 52 % des ressources totales du Fonds.
Les 48 % restant proviennent de sources financières complémentaires, dont :
- une dotation de la CNAF de 4,5 milliards d’€, à hauteur du montant des majorations pour enfants ;
- une fraction de la taxe sur les salaires pour 2 milliards d’€ ;
- une fraction du forfait social pour 1 milliard d’€ ;
- 1,2 milliard d’€ provenant de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et la C3S additionnelle ;
- enfin, 600 millions d’€ répartis entre 7 autres types de produits.
Côté dépenses de solidarité, les missions du FSV s’articulent autour de quatre pôles principaux de dépenses :
- le minimum vieillesse, pour un total d’environ 3 milliards d’€ ;
- les majorations de pensions accordées en fonction du nombre d’enfants et pour conjoint à charge, pour 4,5 milliards d’€ ;
- une participation au financement du minimum contributif, au bénéfice du Régime général, de la MSA et du RSI, à hauteur de 3,9 milliards d’€ ;
- enfin, des prises en charge de cotisations pour environ 11,7 milliards d’€. Ces prises en charge sont destinées à compenser, pour les régimes, le manque à gagner en termes de cotisations résultant des périodes non travaillées, mais validées gratuitement pour le calcul de la retraite, à savoir principalement les périodes de chômage, mais aussi le service militaire, remplacé aujourd’hui par le volontariat civil, et les arrêts de travail.
Le FSV assure la pérennité financière du minimum vieillesse. Quel est, à ce jour, le panorama des acteurs et des problématiques du financement du minimum vieillesse ?
En 2012, le minimum vieillesse ne représente plus que 13 % des enjeux financiers du FSV, mais, historiquement, il reste l’un des dispositifs les plus représentatifs de la solidarité vieillesse.
Il touche une vingtaine de régimes de sécurité sociale, dans des proportions et avec des enjeux financiers très contrastés. Le principal acteur est la CNAV (régime général), qui représente 71,6 % des dépenses totales du minimum vieillesse, suivi en 2ème place par le SASPA avec 19,3%, puis le régime agricole à 4,8% et le RSI à 2% ; les 2% de dépenses restantes se ventilent entre 16 autres régimes.
Pour le financeur, la capacité à prévoir l’évolution du dispositif, en masse financière et en effectifs de bénéficiaires, est un point important mais aussi relativement complexe car ces évolutions sont différentes selon les régimes et résultent de nombreux facteurs politiques, socio-économiques et démographiques qui interagissent sur son développement avec des effets contrastés, sinon contradictoires.
On peut rappeler que le minimum vieillesse est composé de nombreuses allocations dont la juxtaposition résulte de modifications législatives. En 2012, les anciennes allocations d’avant la réforme simplifiant le minimum vieillesse de 2007 représentent encore 69 % des financements du FSV, contre 31% pour la nouvelle ASPA. L’ancien dispositif reste donc un facteur d’inertie important du dispositif.
Le minimum vieillesse avait à l’origine été conçu comme un filet de sécurité contre la pauvreté des personnes âgées et il a pleinement joué son rôle pendant toute la période de montée en charge progressive des systèmes de retraites français. Puis, peu à peu, un ensemble de facteurs de progrès a concouru à limiter son champ d’intervention.
J’en donnerai 2 exemples :
- le relèvement progressif des niveaux de pensions : il a fait qu’avec le renouvellement des générations, la pension moyenne des retraités a progressivement augmenté au même rythme que le revenu d’activité professionnelle moyen (« effet de noria »), ce qui a concouru à la baisse des bénéficiaires du dispositif. Ce phénomène a notamment bénéficié aux exploitants agricoles, dont les allocations en 1994 représentaient 28% du total des dépenses du minimum vieillesse, contre 2 % aujourd’hui ;
- le développement des carrières féminines : au début des années 1970, seule la moitié des femmes de 25 à 59 ans étaient actives ; aujourd’hui les trois-quarts d’entre elles le sont. Ce fort développement des carrières féminines a permis aux femmes de se constituer des droits propres et de ne plus dépendre aussi largement que leurs aînées des minima sociaux ou des pensions de réversion de leurs conjoints en cas de veuvage.
En matière d’évolution des enjeux financiers, il faut noter que si les facteurs cités précédemment ont réduit les effectifs des bénéficiaires du minimum vieillesse de plus de 30% depuis 1994, le dispositif mobilise, en 2012, un niveau de dépenses en euros courants un peu supérieur à celui qu’il atteignait en 1994, soit autour de 3 Md€.
Ceci s’explique par les « coups de pouce » qui sont intervenus régulièrement dans le passé, et notamment après 2008, pour remonter le barème des allocations. Ce facteur prix, lié à la décision des pouvoirs publics, constituera encore pour l’avenir un élément déterminant de l’évolution des dépenses, et donc des enjeux du financement.
Aujourd’hui, près de 20 ans après la création du FSV, si le minimum vieillesse reste d’actualité, c’est d’abord parce que, comme la Cour des comptes l’a souligné dans son rapport de l’automne 2012, son rôle reste majeur dans le dispositif dans la lutte contre la pauvreté des personnes âgées.
Le profil des nouveaux bénéficiaires du minimum vieillesse est désormais très différent de celui que l’on avait coutume de décrire. Ce profil qui correspondait à celui d’ « une femme, veuve et âgée, n’ayant jamais ou très peu travaillé », ne semble persister que parmi les tranches d’âge les plus élevées des bénéficiaires de l’ancien dispositif.
Les nouveaux bénéficiaires, qui sont entrés dans le dispositif via l’ASPA depuis 2007, sont, pour plus de la moitié d’entre eux, des personnes reconnues inaptes au travail, âgées de moins de 65 ans, et majoritairement des hommes.
Les taux de service de l’ASPA, plus faibles actuellement que ceux des allocations de l’ancien dispositif, indiquent également la présence d’un second profil de bénéficiaires composé d’anciens salariés dont la retraite reste inférieure au plafond du minimum vieillesse, notamment du fait de « carrières hachées » ou de très faibles niveaux de rémunération.
Le minimum vieillesse semble jouer désormais son rôle de « filet de sécurité », non seulement pour les personnes âgées et sans ressources, mais aussi pour des « travailleurs pauvres » après 65 ans et pour les personnes handicapées.
Pour le financeur du dispositif, il est donc essentiel d’évaluer, en lien avec la tutelle et les services d’études spécialisées sur ces questions, les conséquences de ces évolutions sur les dépenses.
Que signifie pour vous, aujourd’hui, être financeur d’un dispositif de solidarité nationale ?
Les dépenses liées au chômage constituent à la fois le premier poste de dépenses du Fonds, mais aussi celui qui augmente le plus.
Le FSV est en déficit d’un peu plus de 4 milliards d’€ par an. Ce déficit du FSV est repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) jusqu’en 2018.
Globalement, la capacité de financer la solidarité vieillesse, dans le cadre de l’évolution des systèmes de retraite reste, bien sûr, l’enjeu fondamental.
Dans ce contexte, les préoccupations du FSV, en tant que financeur travaillant en lien étroit avec les pouvoirs publics, sont d’abord de contribuer à la pérennité du dispositif de solidarité par une utilisation optimale des ressources dont il dispose, et de développer sa capacité à développer des analyses et des propositions, notamment en matière de financement.
Sous un angle plus opérationnel, les 3 objectifs que poursuit actuellement le FSV sont :
- d’abord, se doter d’une cartographie des risques ;
- développer, ensuite, sa capacité à analyser finement et à projeter l’évolution des dépenses et le rendement des recettes ;
- enfin, contribuer à l’optimisation du mécanisme de financement, lui-même.
Les dépenses du SASPA sont intégralement prises en charge par le FSV. Cette originalité tient au fait que les prestations dont le SASPA assure le service relèvent exclusivement du minimum vieillesse. Ce financement englobe non seulement les prestations mais aussi la quote-part des frais généraux de la Caisse des dépôts qui est relative à l’activité du SASPA (frais de personnel, charges informatiques, infrastructures…).
Pour l’exercice 2012, les dépenses du SASPA se sont élevées à 611,3 millions d’€, dont 9,1 millions d’€ au titre des frais de gestion.
Les relations financières entre le FSV et le SASPA se matérialisent sous la forme d’acomptes mensuels et d’une régularisation annuelle. Ces acomptes font ensuite l’objet d’une régularisation annuelle en année n + 1, une fois arrêtées les charges du SASPA pour l’exercice considéré.
Il en découle un premier enjeu de trésorerie, car, dans ce mode de financement original, les prévisions annuelles sont élaborées en commun par le FSV et le SASPA en novembre de l’année n - 1, qui permettent d’arrêter le montant et le calendrier des acomptes que le FSV sert au SASPA au titre de l’année n.
Si ce financement s’avérait insuffisant, le SASPA se verrait contraint d’emprunter auprès de la Caisse des dépôts, ce qui générerait des frais financiers, dont le FSV serait in fine redevable.
En sens inverse, si les acomptes versés par le FSV sont supérieurs aux prestations effectivement versées par le SASPA, ils sont déduits des charges que le SASPA facture au Fonds.
Puisqu’il finance aussi les charges administratives, un second enjeu, lié au contexte financier difficile, est celui de la modération des coûts de gestion du SASPA, auquel tous les opérateurs de la protection sociale doivent se plier, FSV et SASPA inclus.
Le FSV n’est cependant pas partie prenante dans l’élaboration de la COG du SASPA, ainsi que dans la fixation des objectifs qui en résulte, même s’il en prend connaissance et peut émettre un avis dans le cadre des deux commissions consultatives qui rythment la vie institutionnelle du SASPA et dont le FSV est membre de droit.