Une opération de substitution des produits cancérogènes-mutagènes-reprotoxiques des agents chimiques dangereux est en cours depuis 2013 au Pôle de Biologie Pathologie Génétique.
Explications de Bernard Fovet et de Marie-Françoise Odou (responsables du projet).
FNP – Quelles sont les raisons qui ont conduit le CHRU de Lille à engager cette démarche ?
B. Fovet – MF. Odou - L’exposition du personnel aux produits chimiques se place au premier rang de la classification établie par l’évaluation des risques professionnels du laboratoire du CHRU de Lille. Tout de suite après, arrivent les risques biologiques, les risques liés aux déchets (biologiques, chimiques, chimico-biologiques…), à la radioactivité, aux gaz et à la cryogénie dans certains secteurs spécifiques.
De gauche à droite : MF. Odou, M. Dreux, A. Plockyn, A. Dubois, B. Fovet, F. Roger et F. Romelard.
Afin de prévenir le risque chimique, nous avons décidé de mettre en œuvre une opération de substitution des produits cancérogènes-mutagènes-reprotoxiques (CMR) et des agents chimiques dangereux (ACD) utilisés dans les secteurs d’anatomo-cyto-pathologie (formol, solvants, …), de cytologie (colorants), de physicochimie (solvants, et produits CMR) et de biologie moléculaire (agents intercalants).
Ce projet ayant pour objectif d’améliorer les conditions de travail et de diminuer le risque environnemental sanitaire, il est intégré au Schéma Directeur Développement Durable inscrit au Projet d’Etablissement 2012-2016 du CHRU de Lille.
Bernard Fovet, cadre de santé, conseiller de prévention
Marie Françoise ODOU, docteur biologiste, conseiller de prévention
Martine DREUX, Alain PLOCKYN, Assistants de prévention
Aurélie DUBOIS, Fanny ROGER, Fabrice ROMELARD Techniciens
1 000 agents répartis dans une soixantaine de secteurs différents
10 000 prélèvements humains réceptionnés par jour
2 800 produits chimiques purs utilisés dont : 295 CMR et 352 ACD.
Nous nous sommes tout d’abord attachés à mobiliser l’ensemble du personnel (médical et non médical) par des actions de sensibilisation et de formation.
Puis, une commission regroupant des représentants des différents secteurs, a été mise en place. Des auditeurs internes émanant de la Cellule risques et de la Commission risques, ont réalisé des audits hygiène sécurité environnement qui ont permis de constater l’importance du risque chimique dans certains secteurs.
Nous avons ensuite établi une cartographie géographique précise des produits chimiques purs stockés et utilisés dans les différents secteurs du laboratoire (les produits sont répartis dans 156 pièces différentes).
Sur cette base, et pour favoriser le prolongement de notre action, nous avons sollicité le Fonds national de prévention qui nous a apporté son soutien.
FNP – Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la conduite du projet ?
B. Fovet – MF. Odou - Le comité de pilotage dont nous assurons la direction, composé de 12 personnes (personnels de la cellule risque, biologistes des 3 secteurs les plus impactés, médecin du travail et un représentant de la direction) est chargé de coordonner les actions.
Six groupes projets, constitués par catégories de produits, sont chargés de réaliser un état des lieux, d’établir des procédures, d’effectuer des essais, d’évaluer et de procéder aux éventuelles corrections.
Il existe deux instances de validation : le bureau de pôle qui comprend des représentants de la direction de l’établissement et du personnel technique et médical, ainsi que le Comité d’hygiène, sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Depuis le 16 avril 2014, deux techniciennes recrutées réalisent les enquêtes sur le terrain pour dresser un état des lieux précis des conditions d’utilisation de chaque produit. Elles font la synthèse des données et effectuent les recherches sur les possibilités de substitution des produits ciblés (bibliographie, solutions disponibles dans le commerce…). Elles préparent également les données pour les réunions (présentation aux instances, comité de pilotage) et participent activement à la sensibilisation du personnel. Enfin, l’un des objectifs est qu’elles puissent également apporter un renfort technique pour assurer les essais de substitution et les éventuels transferts méthodologiques.
La démarche poursuit trois objectifs :
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Elle diffère sensiblement des travaux menés dans le cadre du projet « réseau CHU », notamment avec l’outil « CHIMIRISK ».
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FNP - Quelles sont aujourd’hui les principales avancées du projet (réalisations, mesures de prévention) ?
B. Fovet – MF. Odou - A ce jour, nous avons réalisé la sélection de 477 produits CMR ou agents chimiques dangereux toxiques ou très toxiques et procédé à l’élimination de 800 kg de produits dangereux stockés mais n’étant plus utilisés, dont 39 faisant partie des CMR ou toxiques.
La substitution a été réalisée selon les 4 axes ci-après :
FNP – La présentation de votre projet au colloque sur les cancers professionnels organisé par l’INRS en novembre 2014, marque l’intérêt de votre action et au-delà, une possibilité pour d’autres établissements de bénéficier éventuellement de vos travaux ?
B. Fovet – MF. Odou - Une affiche été réalisée pour présenter la démarche au colloque sur les cancers professionnels. Celle-ci peut être reprise par des laboratoires et dans d’autres secteurs d’activité.
Un recensement des laboratoires réalisant les mêmes analyses peut être effectué afin de pouvoir transposer la démarche, notamment sur les points suivants : structuration de la démarche, identification des produits, localisation, utilisation, évaluation rapide du risque chimique par produit et par secteur, études de substitution, essais... Les produits utilisés dans d’autres laboratoires pourraient également bénéficier des substitutions ou des mesures de protection mises en place.
Une réflexion est en cours sur la mise en œuvre d’un partenariat inter-établissements au niveau régional ou interrégional. Ce partenariat existe déjà, sans être officialisé, au travers du collectif cadres de laboratoires hospitaliers de notre région. Nous avons aussi pris contact avec le laboratoire de la Police Scientifique de Lyon et le CHU de Poitiers.